Quatre leçons apprises du terrain : l’erreur ou l’insuffisance comme ressources pour la recherche et l’apprentissage

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Lorsque l’on s’engage dans une entreprise, il est recommandé de faire son possible pour atteindre les objectifs visés. Mais le fait de s’attacher en priorité à la dimension d’expérimentation, au risque de ne pas prévenir toutes les erreurs et de ne pas pallier à toutes les insuffisances, permet, pour qui ne craint pas d’accueillir l’imprévu, d’éprouver le « réel » des situations et d’enrichir les occasions d’apprentissage.
C’est ce que montrent les « leçons » relatées ici, apprises à l’occasion d’expériences de « recherches de terrain » menées par des enseignants et des étudiants du Master de sciences de l’éducation de l’Université de Paris 8, auxquelles j’ai participé1. Ces « leçons » incitent à alléger l’outillage, à « voyager léger », avec un couteau suisse plutôt qu’une lourde « boîte à outils méthodologique », pour tirer le meilleur parti de la créativité des étudiants et du savoir faire des différents acteurs qui collaborent à ces expérimentations.

Ce texte a été publié précédemment (en août 2017) sur l’un des sites du réseau des « Fabriques de sociologie ».

Pour consulter Quatre leçons apprises du terrain en format pdf dans sa version originale : accéder au texte Quatre leçons

Une version a été publiée dans le n°4 de la revue Agencements: Recherches et pratiques sociales en expérimentation, déc. 2019. Ici sur la plate-forme Cairn : https://www.cairn.info/revue-agencements-2019-2-page-123.htm

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Ci-dessous, l’introduction ajoutée lors de sa publication dans la revue Agencements :

« Le présent texte […] a été composé à partir d’un court exposé que j’avais présenté en juin 2017, lors d’une rencontre organisée par l’équipe du dispositif « Idefi-CréaTIC » (voir plus loin), au cours de laquelle les enseignants animant des « ateliers-laboratoires » étaient invités à communiquer de manière succincte le bilan de leurs activités.
Pour présenter la teneur de ces expériences, j’avais choisi de mettre l’accent sur les difficultés et les divers « ratages » rencontrés. Des diapositives (évoquant des ardoises) annonçaient le titre des « leçons » qui en avaient été retirées : 
1- Le terrain ne se plie pas aux dispositif des chercheurs
2- Faire face au « dérangement » et au « non-savoir »
3- La faiblesse du dispositif comme espace du possible
4- Les maîtres ignorants le sont vraiment2

Des « ateliers-laboratoires » de recherche-action-création 

Ce choix, quelque peu déroutant pour l’auditoire, apportait une note d’humour à cette forme d’exercice souvent rébarbative (mon récit décrivait des enseignants placés dans des situations peu confortables). Et, surtout, il visait à mettre l’accent sur un point essentiel de la démarche de formation par la « recherche-expérimentation », à savoir que les notions d’échec ou de réussite ne sont pas pertinentes. Le fait de devoir produire quelque chose (une présentation publique des travaux de l’atelier) constitue un enjeu essentiel fort stimulant, mais le résultat s’apprécie davantage au travers du processus de « production » qu’au travers du « produit ».

Comme on le verra, plutôt que de s’employer à contourner les obstacles, il est possible de les « retourner », en les considérant comme des événements de la situation de recherche, au même titre que d’autres, et en les soumettant pareillement à l’analyse collective. C’est ainsi que le « ratage » peut devenir ressource et parfois modifier utilement le cours de l’expérience ou son objet même (cf. l’exemple de la seconde leçon : « Faire face au “dérangement” et au “non-savoir” »)3.

Le dispositif Idefi-CréaTIC

Les expériences rapportées concernent les quatre premières éditions (2013-2017) d’un « atelier-laboratoire » inscrit dans le dispositif « Idéfi-CréaTIC », programme initié par l’Université de Paris 8 avec différents partenaires et établissements universitaires, en réponse à l’appel des « IDEFI » (Initiatives d’Excellence en Formations Innovantes). Les ateliers, portés par des formations de Master de différentes disciplines4, ont pour but de produire des « œuvres collectives de recherche /action/création ».

J’ai contribué à la mise en place de cet atelier, en collaboration avec Jean-Louis Le Grand, professeur en sciences de l’éducation (Laboratoire Experice) et Pierre Quettier, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication jusqu’en 2018 (Laboratoire Paragraphe), dans le cadre du poste d’ATER (Attaché temporaire d’enseignement et de recherche) que j’ai occupé durant les deux années universitaires 2013-2015.
Les deux premières éditions, que j’ai animées avec Eric Plaine (socianalyste, chargé de cours), ont été consacrées à la réalisation d’une enquête sur le thème : « Art et intervention sociale : les artistes dans la Cité », puis à la restitution théâtralisée des résultats, en collaboration avec des comédiens.

Puis j’ai poursuivi l’aventure en septembre 2015 avec Pascal Nicolas-Le Strat, professeur, qui venait d’être nommé à l’Université de Paris 8 et avec lequel je collaborais déjà depuis plusieurs années (dans le cadre du réseau des « Fabriques de sociologie » que nous avons initié ensemble en 2011, alors qu’il exerçait à l’Université de Montpellier 3). L’atelier, intitulé : « L’ancrage dans le territoire des acteurs institutionnels ou associatifs », proposait aux étudiants de rencontrer des acteurs du quartier de « La Plaine », à Saint-Denis, et d’organiser une journée de restitution de leurs travaux en relation avec eux et sous diverses formes5.

Les travaux des ateliers ont été réalisés dans le cadre de « commandes », selon l’objectif de la formation, énoncé comme suit : « L’atelier propose à des étudiants de différentes disciplines de mener conjointement une recherche-action sur une problématique formulée par des acteurs de l’action publique ou de l’initiative associative, dans différents domaines :action sociale, culturelle, artistique, éducative, etc., répondant à l’actualité de leurs préoccupations ». 

Suite aux quatre expériences rapportées ici, l’atelier a connu deux nouvelles éditions, réalisées en lien avec des acteurs de différents collectifs du centre-ville de Saint-Denis. Une septième se tiendra au premier semestre de l’année universitaire 2019-206. »

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1 Il s’agit du parcours « ETLV » (Éducation tout au long de la vie) du Master, porté par l’équipe du Laboratoire Experice.

2 RANCIERE Jacques, Le maître ignorant : Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 1987.

3 Sur la question du « ratage comme ressource », voir le court texte d’Adrien Péquignot qui s’appuie sur l’œuvre de Montaigne, rédigé à l’occasion d’une séance des « Fabriques de sociologie 93 » de juin 2018. PEQUIGNOT Adrien, « Le ratage comme occasion : défendre “l’échec comme ressource” contre l’injonction du résultat », Agencements n°2, décembre 2018. En ligne sur la plate-forme Cairn : https://www.cairn.info/revue-agencements-2018-2-page-244.htm

4 Afin de favoriser les collaborations interdisciplinaires, les ateliers sont ouverts aux étudiants de l’ensemble des Masters participant au dispositif. 

5 J’ai contribué à l’atelier au titre d’une charge d’« intervenante professionnelle », dont le programme « CréaTIC » assurait le financement. Valentin Schaepelynck, maître de conférences, a également contribué aux éditions 2015-17.

6 L’atelier s’intitule aujourd’hui : « Expérimentations citoyennes et coopérations ». Il est soutenu par l’EUR « ArTeC », dans le cadre de son appel à projet « Modules innovants pédagogiques », prenant la suite du dispositif « CréaTIC » pour le financement des ateliers-laboratoires.

un site du réseau des fabriques

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